Ne tirez pas...
Pas de menace rassurez-vous, mais avez-vous lu ce petit bijou de livre ?
Voici comme il est présenté sur la quatrième de couverture :
Dans une petite ville d'Alabama, à l'époque de la grande Dépression, Attichus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche. Ce bref résumé peut expliquer pourquoi ce livre, publié en 1960 -au coeur de de la lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis-, a connu un tel succès. Mais comment est-il devenu un livre culte dans le monde entier ? Cest que, tout en situant son sujet en Alabama dans les années 1930, Harper Lee a écrit un roman universel sur l'enfance. Racontée par Scout avec beaucoup de drôlerie, cette histoire tient du conte, de la court story américaine et du roman initiatique.
Couronné par le prix Pulitzer en 1961, Ne tirez par sur l'oiseau moqueur s'est vendu à plus de 3O millions d'exemplaires dans le monde entier.
Les critiques sont unanimement élogieuses et pour ma part, après m'être installée gentiment dans le contexte, petite ville américaine vivant à son rythme provincial mais où les préjugés pèsent lourd sur les mentalités, j'ai découvert le monde de Scout et son frère Jem accompagnés pendant les vacances de Dill l'ami qui n'est jamais en panne d'idée pour égayer les longues après-midi chaudes et oisives. Ces enfants sont élevés par leur père, avocat, qui leur transmet ses valeurs avec amour et une pédagogie surprenante pour l'époque. J'ai le souvenir que dans les années 6O, l'éducation se faisait plutôt, en général, à coups de "fais ci" fais pas ça", "c'est bien"/"c'est mal". Les enfants, ici, grandissent comme des fleurs dans une prairie. D'ailleurs, la tante des enfants vient s'installer dans la famille pour parfaire l'éducation de Scout qui doit apprendre les belles manières des dames.
Cette vie semble simple et monotone et pourtant, il se passe toujours quelque chose et Harper Lee sait à merveille nous transmettre l'intensité des sentiments de l'enfance, montrer comme l'imaginaire mène la danse et peut générer grosses peurs, révoltes, ravissement. Les enfants sont spontanés et expriment leurs idées, leurs questions dont même les adultes n'ont pas toujours les réponses.
L'histoire soulève aussi les problèmes majeurs de l'époque où l'on parlait encore de nègres et que ceux-ci étaient forcément les perdants. La ségrégation était plus que jamais d'actualité.
Et puis il y a ce voisinage, des personnages bien croqués, les maisons qui délimitent le territoire de jeu en fonction de l'accueil que recevront nos compères...
Je n'en dis pas plus, juste je ne résiste pas au plaisir de recopier un petit extrait qui ne dévoile en rien l'histoire mais qui donne une idée du ton du roman. Nous sommes au premier jour de classe de Scout :
"Avant la fin de la première matinée, notre institutrice "Miss Caroline Fischer" m'entraîna au fond de la classe pour me donner des coups de règle sur la paume des mains et mettre au coin jusqu'à midi.
Miss Caroline n'avait pas plus de vingt et un ans, de beaux cheveux auburn, les jours roses et des ongles vermillon. Elle portait aussi des chaussures à hauts talons et une robe à rayures rouges et blanches Elle avait l'air et l'odeur d'une pastille de menthe. Elle habitait de l'autre côté de la rue, à une maison de chez nous, une chambre du premier étage de chez Miss Maudie Atkinson. Quand celle-ci nous avait présentés à elle, Jem en était resté tout rêveur pendant plusieurs jours durant.
Miss Caroline écrivit son nom au tableau :
-Ceci veut dire que je m'appelle Caroline Fischer. Je viens du nord de l'Alabama, du comté de Winston.
Un murmure d'appréhension parcourut la classe : allait-elle nous infliger les singularités de sa région ? (Quand l'Alabama fit sécession de l'Union, le 11 janvier 1861, le comté de Winston fit sécession de l'Alabama, et tous les enfants du comté de Maycomb le savaient.) Dans le nord de l'Alabama, il n'était question que de distilleries, de lobbies industriels, de professeurs et d'autres personnes sans passé.
Miss Caroline commença par nous lire une histoire de chats. Ceux-ci avaient de longues conversations les uns avec les autres, portaient d'astucieux petits habits et vivaient dans une maison bien chaude sous une cuisinière. Le temps que Mme Chat appelle l'épicerie pour y commander des souris enrobées de chocolat, toute la classe se tortillait comme des chenilles dans un seau de pêcheur. Miss Caroline ne semblait pas se rendre compte que les premières années, nippées de chemises en jean ou de jupes de grosse toile, dont la plupart égrenaient le coton et nourrissaient les cochons depuis leur plus jeune âge, étaient imperméables à la fiction littéraire. Arrivée à la dernière ligne, elle s'exclama :
-Oh, n'est-ce pas charmant ?
Puis elle se rendit au tableau pour y inscrire les lettres de l'alphabet en énormes capitales serrées, avant de se tourner vers nous pour demander :
-Quelqu'un sait -il ce que ceci représente ?
Tout le monde le savait car presque toute la classe redoublait.
Je suppose qu'elle me choisit parce qu'elle connaissait mon nom ; en me voyant épeler ces lettres, un mince sillon se creusa entre ses sourcils et, après m'avoir fait lire à haute voix une bonne partie de Mon Premier Livre de lecture suivi des cours de la Bourse du Mobile Register, elle se rendit compte que je savais lire et me considéra avec une animosité non feinte. Elle me pria de dire à mon père de ne plus rien m'enseigner, car cela risquait d'interférer avec mes études.
-Lui ? m'écriais-je surprise, il ne m'a jamais rien enseigné, Miss Caroline ! Atticus n'a pas le temps, ajoutai-je lorsqu'elle hocha la tête en souriant. Le soir, il est tellement fatigué qu'il se contente de lire au salon.
-Alors, qui s'en est chargé ? demanda-t-elle accommodante. C'est bien quelqu'un. Tu n'es pas née en sachant lire The Mobile Register !
-Jem dit que si. Il a vu dans un livre que j'étais une Bullfinch (NDLA "a Bullfinch's Mythology" est une collection célèbre présentant la mythologie grecque) et pas une Finch. Il a dit que mon vrai nom est Jean Louise Bullfich, qu'il y a eu un échange à ma naissance et qu'en fait je suis...
Miss Caroline dut croire que je mentais.
-Ne nous laissons pas emporter par notre imagination, ma petite. Tu vas dire à ton père de ne plus rien t'apprendre. IL vaut mieux que tu commences à lire avec un esprit neuf. Tu lui diras que je prends la suite et que je tâcherai de réparer les dégâts...
-Mais...
-Ton père ne sait pas enseigner. Tu peux te rasseoir maintenant.
........
J'arrête là sinon je vais recopier le livre !!!!
En faisant quelques recherches, j'ai découvert que cette histoire très fraîche a été adaptée au cinéma et je me suis empressée de me procurer le DVD à la médiathèque. D'après la bande annonce, il a l'air tout à fait sympathique mais je doute qu'il soit à la hauteur de ce magnifique livre.
Je viens de faire l'expérience avec "la couleur des sentiments" qui est un livre magnifique à qui le film aussi réussi soit-il ne rend pas complètement justice. Mais cette bande annonce me semble prometteuse, alors je vous la propose ici.